Amazon : la bataille des frais de port pour les livres se poursuit




Le 8 Octobre 2024, par François Lapierre

Le marché du livre en France est au cœur d’une lutte d’influence entre Amazon et les libraires indépendants. Depuis l’instauration des frais de port minimums pour les livraisons à domicile, le géant américain se bat contre une mesure qui vise à protéger les librairies traditionnelles.


Des frais de port pour protéger les librairies

Depuis le 7 octobre 2023, toute commande de livre en ligne en France, dont le montant total est inférieur à 35 euros, doit s’accompagner de frais de port minimum de 3 euros. Cette décision, soutenue par le gouvernement, vise à rééquilibrer le marché du livre en favorisant les librairies physiques, souvent en difficulté face à des plateformes comme Amazon.

Cette réglementation est une extension du principe du prix unique du livre, inscrit dans la loi Lang depuis 1981, un modèle qu'Emmanuel Macron a qualifié de « force » pour la préservation du paysage littéraire français. L'objectif est d’offrir aux librairies la possibilité de rester compétitives, tout en limitant l’hégémonie des géants du commerce en ligne.

Cependant, un an après la mise en place de cette mesure, l'impact réel sur le comportement des consommateurs reste difficile à évaluer. Les librairies traditionnelles ont-elles réussi à capter une partie de la clientèle qui se tournait vers Amazon ?

Amazon, qui ne publie pas de chiffres détaillés par secteur ou par pays, reste discret sur l’évolution de ses ventes de livres en France. Toutefois, le Syndicat de la librairie française (SLF) note que le marché global du livre a légèrement progressé depuis l’instauration des frais de port, et que l’activité des librairies traditionnelles a connu une augmentation du retrait en magasin, souvent gratuit pour les consommateurs.

Amazon, un acteur contesté

Le géant américain, de son côté, se montre critique. Dans un communiqué, Frédéric Duval, directeur général d'Amazon.fr, dénonce une mesure qu'il juge pénalisante pour les lecteurs français, notamment ceux vivant dans des zones rurales. « Dans un pays où plus de 90 % des communes n'ont pas de librairie, instaurer des frais de port obligatoires sur les livres revient à taxer la lecture », s'indigne-t-il, soulignant qu'une majorité de Français (62 %) estiment que ces frais affectent leur pouvoir d'achat.

Amazon cite par ailleurs une étude réalisée par l'Ifop, commandée en septembre 2023, qui montre que 75 % des acheteurs de livres en milieu rural choisissent les achats en ligne pour pallier l'absence de librairies à proximité. Selon ce sondage, une partie des consommateurs se détourne également de l'achat de livres : 56 % des répondants déclarent emprunter davantage de livres à des proches, et 51 % ont recours aux bibliothèques.

Cette situation pourrait prochainement se clarifier sur le plan légal. Amazon a saisi la justice administrative pour contester la légalité de ces frais de port obligatoires. Le Conseil d'État a sollicité l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne sur la conformité de cette mesure avec les régulations européennes. Le verdict est attendu dans les mois à venir.

En attendant, les librairies poursuivent leur transition vers des services de click-and-collect pour s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation. Selon Guillaume Husson, délégué général du SLF, cette dynamique profite aux librairies. « Les expéditions baissent, mais il y a une hausse significative du retrait en magasin », précise-t-il.