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L’impressionnisme, une réponse artistique à un monde en évolution





Le 5 Avril 2024, par Christine de Langle


Il y a 150 ans, Paris découvrait la peinture de ceux qu’on allait bientôt appeler « impressionnistes ». Un anniversaire célébré par le musée d’Orsay avant la National Gallery of art de Washington. Le parcours de l’exposition permet une confrontation inédite entre des artistes académiques au sommet de leur technique et ces artistes indépendants qui défendent des sujets « modernes » et une peinture claire. L’habituelle opposition entre partisans et détracteurs mérite d’être nuancée. L’exposition permet un regard renouvelé sur ces peintres aux recherches multiples.


De multiples célébrations en France

Pour faire de cette célébration un évènement national, le musée d’Orsay accueille quelques 130 œuvres venues du monde entier (dont de nombreuses collections privées) et prête près de 180 œuvres dans la France entière, l’occasion de faire rayonner l’évènement impressionniste au-delà du musée parisien. De nombreuses expositions sont organisées en Normandie, terre d’élection des impressionnistes. Giverny, Honfleur, Le Havre, Caen et Bayeux célèbrent les 150 ans de l’impressionnisme. Autant d’occasions de comprendre la radicalité de ce mouvement.
 

Edgar Degas (1834–1917) Classe de danse Vers 1870  New-York, The Metropolitan Museum of Art, H. O. Havemeyer Collection, Bequest of Mrs. H. O. Havemeyer, 1929, 29.100.184  Courtesy of the Metropolitan Museum of Art
Edgar Degas (1834–1917) Classe de danse Vers 1870 New-York, The Metropolitan Museum of Art, H. O. Havemeyer Collection, Bequest of Mrs. H. O. Havemeyer, 1929, 29.100.184 Courtesy of the Metropolitan Museum of Art
Paris 1874, inventer l’impressionnisme

Que peut-on dire encore sur l’impressionnisme qui n’ait déjà été dit ? Le musée d’Orsay a choisi de faire revivre l’offre artistique du printemps 1874 pour permettre d’en saisir les enjeux. D’un côté, le Salon avec ses 300 000 visiteurs venus admirer des œuvres choisies par un jury gardien de la tradition académique, de l’autre, une trentaine d’artistes, réunis sous la forme d’une société anonyme, qui moyennant le paiement d’une cotisation sont libres d’exposer et de vendre leurs œuvres. Quelques 3000 visiteurs découvrent la peinture de Cézanne, Pissarro, Monet Renoir, Sisley ou Berthe Morisot. Cette confrontation visuelle entre les valeurs sûres du Salon et les nouveautés de ces jeunes indépendants éclaire les réticences ou les enthousiasmes suscitées par cette peinture de la modernité.

Paul Cézanne (1839-1906) Une moderne Olympia, entre 1873 et 1874  Paris, musée d'Orsay © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Paul Cézanne (1839-1906) Une moderne Olympia, entre 1873 et 1874 Paris, musée d'Orsay © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
La modernité issue d’un monde en plein bouleversement

Dans cette fin du XIXe siècle, après les épisodes dramatiques de la guerre franco-prussienne, de la chute du Second Empire et de l’épisode sanglant de la Commune, Paris a besoin de retrouver son prestige et son aura artistique. C’est au cœur du quartier neuf de l’Opéra, au 35 boulevard des Capucines, qu’a lieu la première exposition « impressionniste », dans les anciens ateliers du célèbre photographe Nadar au cœur de ce nouveau quartier redessiné par Haussmann et Garnier dont l’Opéra est inauguré en 1875.

Les cimaises du musée d’Orsay ont repris la couleur brun rouge de cette première exposition. La vie moderne y est présente et joyeuse, La Ballerine et La Parisienne de Renoir, sont peints avec gaité et la vivacité de la touche en désarçonne plus d’un. Degas nous introduit dans le rythme de la danse et dans la vie des coulisses et des répétitions. Monet prend de la hauteur avec le Boulevard des Capucines pour évoquer le rythme incessant des voitures et des piétons. Cézanne choque par le sujet et la facture esquissée de sa moderne Olympia. On mesure le choc d’une peinture qui semble être, par ses sujets et sa technique, une atteinte au bon goût, ce goût qui prône au contraire une technique lisse et un pinceau invisible, des sujets sérieux tirés de la Bible ou de la mythologie. Mais le Salon de 1874, c’est vingt-quatre salles de peinture, «des tableaux, toujours des tableaux» soupire Zola, critique d’art, des tableaux « orientalistes », des paysages et des portraits, « des salles longues comme de Paris en Amérique » où triomphe Gérome « devant L’Éminence grise, soignée comme une peinture chinoise exécutée sur laque, si proprement faite que la foule se pâme », se désole Zola.

Chaque espace, son accrochage, au Salon, un mélange des techniques qui était alors pratiquée, gravures, dessins, sculptures et peintures cohabitent sur plusieurs niveaux. Les Indépendants préfèrent un accrochage plus aéré. 
Mais les lignes bougent et l’art officiel accueille une certaine modernité. Manet invité à rejoindre les indépendants refuse de quitter le Salon, seul lieu de consécration artistique ; le jury accepte en 1874 Le Chemin de fer, œuvre d’une grande modernité, par son sujet et par ce traitement inhabituel qui accorde plus d’importance à un nœud de robe qu’à un visage « un des rares peintres originaux dont notre école puisse se glorifier » affirme Zola, admiratif.
 

L’Ecole du plein air

On a voulu voir les impressionnistes comme des paysagistes de plein air géniaux. C’est  oublier leur quête incessante de dépeindre la vie moderne sous toutes ces facettes. Et bien sûr, le paysage en fait partie. Le train, la vitesse, les nouveaux paysages accessibles plus facilement, parcourus au gré des progrès du chemin de fer, autant d’occasions de peindre les ciels changeants d’Ile-de-France et de Normandie. Avec Monet, Sisley ou Pissarro, l’esquisse sur le motif, qui était une étape préparatoire au tableau achevé en atelier, devient le cœur du processus de travail. Avec une contradiction bientôt éprouvée par Monet : comment rendre un instant de lumière et de couleur dans une technique qui nécessite un temps incompressible ? Monet tente une réponse par les séries.
 
Claude Monet (1840-1926) Impression, Soleil Levant 1872
Claude Monet (1840-1926) Impression, Soleil Levant 1872

Impression, soleil levant

C’est vers la fin de l’exposition qu’on peut admirer Impression, soleil levant. Une place d’honneur lui est réservée, entouré d’effets de ciel au pastel de son premier maître Boudin. Monet à qui on demandait le titre de son œuvre pour le catalogue du salon hésite et finit pas lâcher « mettez Impression », ce qui voulait dire esquisse. Les journaux qui vont rendre compte de cette première exposition chez Nadar hésitent à qualifier ces jeunes artistes, « salon des intransigeants, exposition des révoltés, exposition dissidente, exposition libre ». Le journaliste Louis Leroy qui travaille pour le journal satirique Le Charivari parle ironiquement de paysage réaliste ou « d’impression ». Jules Castagnary admet ce terme nouveau et comprend la démarche de ces peintres qui « sont impressionnistes en ce sens qu’ils rendent non le paysage mais la sensation produite pas le paysage »
 
1877, l’exposition des impressionnistes
L’exposition se termine par l’éblouissante édition de 1877. Tous les impressionnistes sont présents Gustave Caillebotte y prend une part déterminante en tant que peintre et mécène. Monet (La Gare Saint Lazare et Les Dindons), Renoir (Le Bal au moulin de la Galette) et Degas concentrent l’attention. Les peintres y participant décident d’adopter le nom « impressionnisme » pour qualifier leur célébration de la vie moderne. « En France, les écoles ne font leur chemin que lorsqu’on les a baptisées » note Zola. Les tableaux de Berthe Morisot font l’unanimité. Certains comme Cézanne y exposent pour la dernière fois. Malgré les cinq autres manifestations collectives qui suivront jusqu’en 1886, chacun va reprendre son indépendance. Caillebotte par son legs de 1894 aux musées nationaux donnera une reconnaissance officielle aux impressionnistes.
 
L’expédition immersive

On ne peut aujourd’hui organiser une exposition importante sans proposer une expérience immersive qui au musée d’Orsay se vit comme une véritable expédition. Une déambulation de quarante-cinq minutes qui vous emmène muni d’un casque de réalité virtuelle du quartier de l’Opéra à la gare Saint Lazare et au Havre sur les pas de Monet peignant Impression soleil levant. Et si on veut continuer l’immersion impressionniste il suffit de prendre le chemin des expositions régionales pour continuer cette redécouverte de cette modernité.
 
Paris 1874, inventer l’impressionnisme
26 mars au 14 juillet 2024
Paris, musée d’Orsay
Auguste Renoir Bal du moulin de la Galette 1876 Paris, Musée d'Orsay  © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Auguste Renoir Bal du moulin de la Galette 1876 Paris, Musée d'Orsay © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt


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