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La 5G, une victoire du chinois Huawei sur le continent européen ?





Le 30 Avril 2024, par La Rédaction

A première vue, qu’est-ce que la 5G ? : une technologie qui va pouvoir remplacer la 3G et la 4G et constitue une alternative aux réseaux WI-FI. Plus performante, la 5G devrait avant tout renforcer la protection des données stratégiques, bref une aubaine pour la politique de cybersécurité européenne ? Le premier acteur, le chinois Huawei, semble être surtout le soldat d’une Chine aux ambitions de conquistador sur le Vieux Continent.


La 5G, plus qu’une technologie, un enjeu de souveraineté

La 5G, avenir des télécommunications, nécessite l’installation d’antennes très nombreuses et seules quelques entreprises maîtrisent cette technologie. Aujourd’hui, le principal leader est le chinois Huawei, suivi par les européens Ericsson (suédois) et Nokia (finlandais) et le coréen Samsung. Les opérateurs télécoms ont ainsi le choix entre ces différents équipementiers. Mais Huawei est la deuxième entreprise ayant le plus de brevets 5G dans le monde, et la première en Europe. Et le géant chinois multiplie les démarches partenariales avec les pays européens.

Or Huawei est une entreprise très proche du gouvernement chinois et est financée par des banques d’Etat. De plus, le gouvernement chinois se réserve le droit d’accéder aux données de toute entreprise pour des raisons de sécurité. Ainsi, Huawei pourrait faire du cyber espionnage au profit du gouvernement chinois dans les années à venir, et est même accusée de le faire actuellement. Alors la solution semble simple, favoriser les européens Ericsson et Nokia.

C’est ce que promeuvent les Etats-Unis. S’ils semblent avoir malencontreusement raté le coche de la 5G, ils ne restent cependant pas indifférents à la question. Fervents défenseurs de leur sécurité nationale, ils ont les premiers dénoncé le risque d’une collaboration avec le chinois Huawei. En 2022, la Commission fédérale des communications (FCC) a même banni tous les équipementiers télécom chinois - notamment Huawei et ZTE - du sol américain. Mais les Etats-Unis ne sont pas près de s’arrêter là. Ils se préoccupent également du Vieux Continent, leur « colonie économique », moins ferme en la matière. Ils ont ainsi annoncé que des sanctions seraient prises à l’encontre d’entreprises européennes travaillants avec les équipementiers chinois.

En France, des restrictions fortes mais pas totales

L’ancien directeur de l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) avait annoncé qu’il n’y aurait pas de « bannissement total » de Huawei en France. Si la position de la France est d’encourager les recours aux fournisseurs de 5G européens, Ericsson et Nokia, en réalité, la France mène une politique de dissuasion envers les opérateurs envisageant de faire appel à Huawei. Ainsi, depuis la loi « 5G » de 2019, l’installation de toute antenne du fournisseur chinois doit faire l’objet d’une autorisation de l’ANSSI, officiellement favorable aux fournisseurs européens.

Si Bouygues et SFR ont d’abord pris le parti de travailler avec Huawei, leurs autorisations sont soumises à une échéance qui risquerait d’affaiblir leur développement de la 5G dans les prochaines années, si leurs antennes perdaient leur autorisation d’utilisation. Cette politique de la France fut loin d’être adoptée rapidement par les opérateurs de l’hexagone. La demande de compensation de Bouygues et SFR pour « distorsion de concurrence » face à Orange et Free fut stérile.

Ainsi les opérateurs français semblent contraints de converger vers les recommandations des organismes de sécurité nationale. Bouygues a notamment annoncé le retrait de pas moins de 3 000 antennes de Huawei d’ici 2028, ainsi qu’une interdiction d’en implanter dans certaines villes. S’agirait-il d’un triomphe d’Ericsson et Nokia ? Huawei réalise malgré tout 10% de son chiffre d'affaires en France dans la 5G, et est à l’origine de 17 % des infrastructures de 5G du pays. Et le géant chinois ne souhaite pas s’arrêter là. Une usine à Brumath (Bas-Rhin), premier site industriel du chinois en Europe, est en cours de construction depuis 2023 et ouvrira en 2025.

Une Europe encore une fois fragile

Si la France, réussit à prendre des mesures fortes, l’UE en semble loin. Et pourtant, le sujet est urgent. En mars 2019, dans une publication de la Commission européenne, l’UE recommande seulement à ses membres de renforcer leurs mesures de cybersécurité, mais ne demande pas explicitement l’interdiction de l’opérateur chinois. La raison économique semble primer : la 5G rapportera plus de 225 milliards de dollars à l’économie mondiale, et l’avance de Huawei en la matière en fait un partenaire indispensable pour les entreprises européennes.

En Europe, Huawei est déjà banni des équipements 5G au Danemark, en Estonie, en Lituanie, en Lettonie, en Suède mais aussi chez son voisin britannique. Mais certains pays rechignent à bannir le puissant chinois. L’Allemagne, pilier de l’Europe, se montre de plus en plus dépendante du fournisseur chinois, qui développe 59 % de ses infrastructures de 5G, d’après le dernier rapport de Strand Consult, cabinet de conseil danois spécialisé dans les télécommunications. D’autres pays ont emprunté la même voie, comme l’Espagne, l’Autriche ou encore la Hongrie.

Ainsi, si l’Europe veut avoir une chance de maîtriser ses données, elle doit aujourd’hui adopter des mesures strictes et fortes, nécessitant une avancée majeure dans la construction européenne. L’Europe y songe, comme a déclaré Thierry Breton, commissaire au Marché intérieur à la Commission, car « Cela expose la sécurité collective de l'Union européenne ». Mais l’Europe prendra-t-elle un jour une décision ferme, favorisant explicitement le développement de ses fournisseurs européens au profit de la sécurité de ses données stratégiques ?
 
Mais à l’heure ou la bataille de la 5G ne semble pas résolue, la course à la 6G, elle, a déjà commencé, dominée pour l’heure par la Chine et les Etats-Unis, suivis de près par le coréen Samsung et les scandinaves Nokia et Ericsson.
 
Sources :


Intelligence économique



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